Courrier de Mmes Pasquier et Van Kote
Face à la Validation des Acquis de l’Expérience,
Le Médiateur Familial entre colère et découragement ?Ca y est, c’est fait. La circulaire du 30 juillet 2004 , texte parachevant le dispositif du diplôme d’Etat de médiateur familial, est parue au coeur de l’été. Elle complète le décret du 2 décembre 2003 portant création du diplôme et l’arrêté du 12 février 2004 qui l’a suivi.
Elle vient préciser les caractéristiques de ce diplôme, les procédures d’agrément des centres de formation et la mise en œuvre de la validation des acquis de l’expérience (VAE).A première vue, vous avez peut-être réagi (ou réagirez) comme nous, au dossier de VAE et en particulier au livret 2 : avec de la colère d’avoir à faire la preuve de votre compétence de médiateur par A plus B, puis découragement devant l’ampleur de la tâche à effectuer.
A la réflexion et après avoir bien lu et relu le livret 2 et le guide qui l’accompagne, nous nous sommes dit que le dossier de VAE était peut-être moins complexe qu’il n’y paraissait au premier abord, même s’il requérait temps et énergie pour le compléter.Ayant participé aux travaux du groupe de réflexion de la DGAS sur l’élaboration du diplôme d’Etat de médiateur familial et de la procédure de la VAE, nous avons souhaité, ici, partager avec vous remarques et questions sur les modalités de VAE telles que définies par la circulaire du 30 juillet dernier ainsi que réflexions pratiques en vue de remplir le dossier de VAE.
Nous vous proposons de le faire au travers d’une rapide analyse des principales dispositions de la circulaire sur la VAE.
I – La VAE et la médiation familialeLa VAE qu'est-ce que c'est ? La circulaire nous rappelle qu’il existe un cadre général de réglementation qui s’applique à toute demande de VAE . Les principes généraux communs à tous les diplômes et certificats en travail social font l’objet d’un encart dans la circulaire.
La VAE est un nouveau droit , pour tous, de valider les acquis de son expérience en vue d’une certification. La validation des acquis est la même quel que soit le statut du candidat (demandeur d’emploi ou salarié, quel que soit le type de contrat) ; elle est aussi la même quel que soit le parcours de formation.
Notons de ce fait que :
• Il est possible d’obtenir la totalité d’une certification sur la base de l’expérience; la VAE est un mode d’accès à la certification à part entière
• Toutes les formes de certification sont concernées : diplômes délivrés au nom de l’Etat, titres inscrits au répertoire, certificats de qualification des branches professionnelles
• Toute l’expérience peut être prise en compte, y compris les activités bénévoles ou non salariées
• La durée minimum de l’expérience requise est de 3 ans
• Les candidats peuvent être dispensés des diplômes ou titres normalement requis pour candidater au diplôme visé
Ce cadre général est celui qui s’applique aux demandes de VAE des médiateurs familiaux. Il n’y aura donc pas de dispositif spécifique à la médiation familiale. On peut le regretter. Les médiateurs familiaux, avec leur «nouveau métier », contrairement à celui d’éducateur spécialisé par exemple, avaient négocié et instauré au sein de l’APMF un cadre de formation initiale qui a servi de modèle pour le nouveau diplôme et n’a pas été officiellement reconnu. Force est de constater que le diplôme d’Etat de Médiation Familiale, tel qu’il a été créé, s’inscrit dans le cadre des diplômes du travail social et la VAE dans celui plus général, des métiers du social : ce n’est pas ce que nous avions voulu…
Prix à payer pour la professionnalisation de la médiation familiale et l’égalité de droits des médiateurs face au dispositif de certification qui leur est proposé? Reste la preuve à faire pour chacun de sa compétence de médiation…la pilule est amère pour tous les médiateurs familiaux qui pratiquent la médiation familiale depuis plusieurs années et ont fait l’effort de s’engager dans une formation longue agréée par le Forum Européen.
Quelques remarques :
La seule possibilité aujourd’hui pour un médiateur familial en exercice d’obtenir le diplôme d’Etat est donc de présenter une demande de VAE.
Est-ce à dire que la « qualité » de la formation suivie ne sera pas du tout prise en compte pour la validation ? Le dossier de VAE comprend un descriptif du parcours de formation qui permettra son appréciation par le jury.
Les pouvoirs publics ont choisi de ne pas faire de la médiation familiale une profession réglementée (comme celle d’assistant social par exemple). Cela signifie qu’il ne serait pas obligatoire pour exercer la médiation familiale d’avoir le diplôme d’Etat. N’oublions pas que nos associations nationales, l’APMF et la FENAMEF, sont engagées dans la voie de la professionnalisation et ont participé aux travaux du Conseil National Consultatif qui ont présidé à la création de ce diplôme. Quel sens aurait cette position aujourd’hui dans ce contexte d’institutionnalisation de la médiation familiale ? De plus, cette liberté de choix n’est-elle pas illusoire ? Il est, en effet, prévu que les services de médiation familiale remplissent certaines conditions en vue de leur agrément (et donc de leur financement), dont l’une serait que leurs médiateurs soient « qualifiés », c'est-à-dire diplômés d’état...
II- La demande de VAE : comment présenter le dossier
Le dossier de VAE comprend deux livrets qui correspondent aux deux phases de la validation et une notice d’accompagnement de la demande de VAE, qui donne des indications au candidat pour remplir son dossier.
La première phase de la démarche est administrative et correspond à la demande de recevabilité à la VAE. Si le candidat remplit un certain nombre de critères indiqués dans le livret 1, sa demande sera recevable. Il pourra alors passer à la deuxième phase, celle de la présentation en vue de l’appréciation et la validation par un jury, de ses acquis et de son expérience professionnelle, en renseignant le livret 2.
1- La recevabilité de la demande : le livret 1
Les conditions de recevabilité de la demande de VAE sont définies par l’article 12 du décret du 12 février 2004 : il faut justifier de certaines compétences professionnelles exercées pendant une durée minimale :
Nature de l’expérience exigée : il s ‘agit de compétences professionnelles en rapport direct avec le diplôme d’état de médiateur familial, c’est-à-dire qui correspondent à des activités définies dans le référentiel d’activités de médiateur familial soit :
1 au moins deux activités de la fonction « accueil /évaluation /information /orientation » du référentiel d’activités de médiateur familial
ou
1 au moins une activité de la fonction « médiation / gestion de conflits / construction /reconstruction de liens »
Durée de l’expérience exigée : 3 ans d’activité cumulée qui peut être prise en compte jusqu’à 10 ans après la cessation de cette activité.
L’expérience exigée peut être acquise à titre salarié, non salariée (libéral) ou bénévole.
Cependant, la circulaire précise que les périodes de formation ou de stages professionnels ne sont pas prises en compte dans la durée de 3 ans exigée. L’expérience peut être acquise sur une période continue ou des périodes discontinues et cumulées. Il apparaît, à la lecture de la circulaire que les heures prises en compte sont les heures travaillées dans l’activité exigée. La durée de temps de travail exigée correspond alors à 3 années d’heures de travail en équivalent temps plein. Cette condition va limiter l’accession à la demande de VAE puisque, aujourd’hui, la majorité des médiateurs exercent la médiation familiale à temps partiel.
D’un autre côté, si l’on peut prouver avoir exercé les fonctions 1 ou 2 du référentiel d’activité dans une activité professionnelle différente de celle de médiateur familial, ces périodes pourraient être prise en compte dans les critères de recevabilité de la demande de VAE.
La preuve de la recevabilité se fait par tous moyens.
Cette étape est une étape administrative. L’appréciation de la recevabilité de vos dossiers de VAE est laissée à l’appréciation de la D.R.A.S.S. de votre lieu de résidence. Elle prend une décision de recevabilité ou de non recevabilité motivée, qu'elle doit notifier au candidat dans les deux mois de l'accusé réception de son livret 1.
2- La présentation des acquis de l’expérience : le livret 2
Si sa demande de VAE est jugée recevable, le candidat aura alors pour tâche de valoriser son expérience en renseignant le livret 2. Une fois son dossier déposé, un jury l'étudiera afin de préparer l'entretien auquel le candidat sera convoqué. Lors de cet entretien, le jury questionnera le candidat pour préciser, approfondir et confirmer les compétences évaluées.
Comment remplir le livret 2 ?
Ce qui est demandé au candidat est d’exposer son expérience professionnelle en décrivant les différentes fonctions exercées (qui doivent correspondre aux quatre fonctions du médiateur familial énumérées par le référentiel d’activité). Les compétences sont repérées et évaluées par le jury .
Il n’est pas nécessaire de prouver toutes les activités des quatre fonctions car le jury ne va pas pointer ces différentes activités mais les indicateurs de compétences afin d’évaluer le degré de maîtrise de chaque compétence. Pour le candidat, il est donc important de pouvoir démontrer, le plus possible, la maîtrise d’indicateurs de compétence correspondant à un bloc de compétences car si trop d’entre eux ne sont pas évaluables, le jury ne pourra pas valider ce bloc de compétences.
Comment choisir et présenter les situations de travail ?
La notice d'accompagnement de demande de VAE comporte une partie « guide pratique pour renseigner votre livret » qui donne au candidat des indications sur ce point. Dans sa forme, le livret 2 laisse la possibilité au candidat de présenter plusieurs expériences professionnelles, mais le nombre de pages consacrées à la première expérience est beaucoup plus important .
Ce doit être l'expérience principale, à présenter dans le détail. Choisir une situation récente. Le candidat peut présenter d'autres expériences pour compléter la première, mais ce n'est pas obligatoire.
Le livret 2 propose de présenter l'expérience n° 1 en décomposant quatre situations de travail, chacune d'entre elles pouvant correspondre à une fonction du référentiel professionnel. Cependant :
• Il n’est pas forcement nécessaire de renseigner quatre situations de travail. Tout dépend si c’est pertinent.
• Chaque situation de travail présentée peut correspondre à une fonction du médiateur familial ou à plusieurs.
• La présentation de l’expérience doit prioritairement concerner la médiation familiale mais peut aussi être étendue aux fonctions d’une autre activité professionnelle qui correspondraient au référentiel de la médiation familiale.
Le livret 2 pose un cadre en termes de pages et d'espaces à remplir qui fournit un guide au candidat. Il est important de s'y conformer, en restant synthétique : ne pas tout expliquer ni prouver.Sous quel angle serait-il le plus pertinent de présenter les situations de travail ?
Est-il plus pertinent de décrire les différentes activités d’une fonction de manière globale ou de rentrer dans le détail (par exemple, exposer le déroulé d’un entretien de médiation familiale) ?
Il paraîtrait judicieux de combiner les deux : à la fois une description du cadre général de travail et des illustrations pertinentes, peut-être sous forme d’abstract d’entretien ou de « vignette clinique ». L’analyse clinique d’un entretien de médiation familiale pourrait être fournie en document annexe du dossier de VAE.Comment argumenter et prouver son expérience ?
Il est indiqué que le récit de l'expérience pourra faire référence à des éléments de preuve qui seront annexés au dossier. Ils pourront être de tout type et se faire par tous moyens. La notice d'accompagnement précise qu'ils ne doivent pas être trop nombreux: plus que le nombre, c'est la diversité et la pertinence de ces documents qui importe. Si les éléments de preuve peuvent être construits ou organisés spécialement pour le dossier, il semble important pour le candidat de fournir au maximum des éléments issus directement de son expérience. Le jury appréciera l'articulation et la cohérence entre le récit et les éléments de preuves présentées ainsi que leur complémentarité.L'entretien et le jury
Le jury de la VAE est le même que celui du diplôme d’état . Il est présidé par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales ou son représentant. Le jury comprend des formateurs de centres de formation agréés pour le DE de médiateur familial et au moins un quart de ses membres sont des représentants qualifiés des professionnels de la médiation familiale. Ces derniers sont pour moitié, des représentants des employeurs de médiateurs familiaux et pour moitié, des médiateurs familiaux qualifiés ayant exercé une activité de médiation familiale pendant au moins trois années et n’exerçant pas en tant que formateur permanent à la médiation familiale.
La circulaire est d'application immédiate mais n’apporte pas d'éclaircissements sur la composition des premiers jurys, puisqu' aucun médiateur n'a encore de diplôme d'état et ne l'obtiendra pas avant que ces premiers jurys soient constitués. Quel sera le régime transitoire? Quels médiateurs pourront-ils être considérés comme « qualifiés »? Par ailleurs, pour désigner les formateurs qui feront partie de ces jurys, il faudra attendre que les centres de formation soient agréés.
Dès lors, on peut se demander quelles garanties existent pour que ces premiers jurys puissent évaluer ce nouveau métier qu'est la médiation familiale. En terme de formation, la circulaire indique seulement que le D.R.A.S.S. « effectuera utilement une présentation préalable des objectifs et des modalités de la validation des acquis de l'expérience aux membres du jury. »Comment le jury va-t-il délibérer et décider ?
Chaque membre consultera le livret 2 de la VAE, individuellement, de manière à préparer l'entretien avec le candidat : il s'agira pour chacun d'évaluer le degré de maîtrise de chaque compétence des deux blocs de compétences du référentiel, en notant les points forts et les points faibles et en préparant les questions susceptibles d'être posées lors de l'entretien. Ces questions ont pour objectif d'obtenir des précisions du candidat concernant le ou les compétences qui ne paraîtraient pas suffisamment évaluables. Chaque personne du jury appréciera aussi les éléments de preuve apportés par le candidat à l'appui de son dossier.
Si l'on se réfère au relevé des décisions du jury publié en annexe de la circulaire , on voit que la validation se fera globalement, en fonction de chaque grand bloc de compétence (domaine de compétence 1 : création et maintien d'un espace tiers de médiation familiale et/ou domaine de compétence 2 : communication / formation) et non pas en fonction des différentes compétences à l'intérieur de ces deux blocs.Le candidat pourra donc obtenir une validation partielle s'il n'est validé que pour un des domaines de compétence. Dans ce cas, la circulaire indique que le jury se prononce « sur les connaissances, aptitudes et compétences » que le candidat devra soumettre à une validation complémentaire, dans les cinq ans, pour obtenir le diplôme. Ce sera au candidat de choisir un complément par la voie de la formation ou celle de l'expérience.
Pour conclure, la circulaire ne répond qu'en partie aux questions que nous nous posions et pas toujours dans le sens que nous espérions; elle soulève aussi de nouvelles interrogations...
Pour dépasser colère et découragement, en ce temps de transition qui accompagne la professionnalisation de la médiation familiale, il est plus que jamais fondamental que nous, médiateurs familiaux, puissions compter sur le soutien actif et efficace des associations nationales qui nous représentent.Isabelle Pasquier Agnès van KOTE
Médiatrice familiale à l'EPE Ile de France Directrice et médiatrice familiale Administratrice APMF APME MédiationCet article est proposé pour publication à L'APMF et à la FENAMEF